Malaise au Congrès : Les 200 parlementaires et l’argent-maudit de FTX
Le cancer FTX n’en finit pas de répandre ses métastases. Si la faillite-éclair de l’ex-plateforme numéro 2 du secteur crypto n’en a pas encore fini de secouer l’industrie, c’est aujourd’hui au cœur même de la machine démocratique américaine que ses dernières répliques continuent à résonner. En ébranlant au passage un système qui se découvre une fois de plus bien peu regardant sur qui le finance, comment et avec quel argent.
FTX, de la crypto au lobbying de masse
L’affaire est révélée par nos confrères américains de CoinDesk (qui étaient également à l’origine de l’enquête initiale sur le token FTT dont les révélations, par effet, boule de neige finiront par sceller le sort de l’exchange). On apprend cette fois-ci qu’un membre du congrès américain sur trois aurait bénéficié à un titre ou à un autre des largesses de Sam Bankman-Fried ou de son équipe proche.
C’est ainsi 196 représentants sur un total de 535 qui ont reconnu avoir touché de l’argent de FTX.
Une proportion ahurissante au regard du relatif peu de temps d’existence de la plateforme FTX qui démontre que si l’équipe de l’exchange crypto était peu regardante en termes de rigueur comptable, elle était en revanche d’une redoutable efficacité en termes de lobbying.
On savait que SBF avait fait bénéficier à la fois au Parti démocrate et au Parti Républicain de ses largesses à grands coups de millions (ceux de ses clients, il est toujours bon de se le rappeler). L’enquête de Coindesk révèle désormais à quel point le patron de FTX était également parvenu à s’immiscer profondément dans les arcanes de la loi américaine.
Charité bien désordonnée passe par le Congrès
Il convient de le rappeler : que les parlementaires, partis et autres groupes politiques bénéficient de dons et autres legs n’a rien d’inhabituel, tout spécialement dans le contexte politique américain (en Europe, on préfère les sacs de sport remplis de petites coupures, question de culture peut-être).
Et si on pourra s’inquiéter par ailleurs de ce que la chose dit de nos démocraties sous influence directe des poches les plus profondes, on conviendra que le sujet n’est pas véritablement là.
Ce qui pose question s’agissant de la véritable pluie d’argent qu’a fait déferler FTX sur les législateurs américains, c’est bien sa véritable dimension industrielle et sa quasi systématisation, le tout dans une forme de tolérance et d’acceptation silencieuse.
Et c’est finalement bien là une des parties du problème. Si en tout état de cause (et en l’état des révélations), aucune loi, aucun règlement ne semble avoir été violé, c’est bien l’absence patente d’interrogation sur l’origine des fonds et sur les ambitions sous-jacentes (on ne distribue que rarement les millions pour le simple plaisir d’offrir) qui soulèvent une question.
A cet égard, alors que CoinDesk a sollicité l’ensemble des 196 concernés, la représentante californienne Lou Correa qui est présentée comme ayant touché plusieurs milliers de dollars « directement de Sam Bankman-Fried » résume le fonds du problème d’un stupéfiant : « Je ne connais pas ce monsieur, je ne lui ai jamais parlé ».
Dans leur grande majorité, les représentant (et plus généralement leurs équipes légales) ne nient, ni la réalité des dons, ni leurs montants, assurant avoir procédé selon les règles en vigueur. Cependant, ce sont désormais des dizaines de personnes qui cherchent par tous les moyens à se débarrasser rapidement d’un argent devenu soudainement très malodorant, de manière parfois désordonnée.
La patate chaude FTX
Conformément au dicton américain bien connu, de nombreuses équipes de représentants essaient actuellement de faire de la limonade à partir des citrons de FTX et tentent – avec plus ou moins de succès – de se débarrasser de ces donations soudainement encombrantes. Deux choix principaux s’offrent à eux : les remettre aux services enquêteurs du ministère de la Justice, dans la perceptive d’abonder un futur fonds d’indemnisation des victimes, ou en faire bénéficier des fonds et œuvres de charité.
Ainsi, sur 53 équipes qui ont répondu à Coindesk, 64 % ont décidé de transmettre les donations à des causes à but non lucratif (« groupe de défenses contre les monopoles des corporations » – appréciez l’ironie – et autres « centre de crise pour femmes enceintes », par exemple.)
Mais, si de prime abord la démarche semble louable, voire pertinente, l’expert en faillite Anthony Sabino sollicité par le média US met en garde : même remis à des fondations caritatives et autres associations, cet argent continuera d’être frappé du sceau de l’infamie FTX et devra potentiellement être malgré tout restitué aux victimes à un moment ou à un autre. Au bout de la chaîne, ce sont ainsi ces structures à but non-lucratif qui pourraient se voir réclamer les fonds maudits, y compris dans des années.
FTX n’a pas fini d’empoisonner lentement de multiples secteurs, même si son ancien patron maintient toujours que toute cette situation est essentiellement la faute « à pas de chance ».