
MEV et scalabilité : la faille que les cryptos préfèrent ignorer
La Maximal Extractable Value (MEV) est devenue un des sujets brûlants de l’écosystème crypto. Si la MEV est souvent vue comme une pratique bénéfique pour le réseau, elle a divers effets secondaires. Par exemple, sur Ethereum, elle mène à une certaine centralisation de la production des blocs. Plus récemment, les chercheurs de Flashbot ont pointé du doigt le fait que la MEV peut freiner la scalabilité.
- La Maximal Extractable Value (MEV) a été identifiée comme un obstacle majeur à la scalabilité des blockchains.
- Les chercheurs de Flashbots ont révélé que les bots MEV consomment une part excessive des ressources sur les réseaux, menaçant l’efficacité et la décentralisation.

Comprendre la MEV et ses mécanismes
Avant d’entrer dans le vif du sujet, remettons-nous à niveau sur la MEV. Ainsi, la MEV désigne la possibilité pour certains acteurs, souvent des validateurs ou des bots, de profiter de leur position pour extraire de la valeur des transactions sur la blockchain.
Pour cela, ils vont manipuler l’ordre, l’inclusion ou l’exclusion des transactions dans un bloc. L’objectif étant d’optimiser la valeur au sein de ce bloc.
Toutefois, cette pratique a plusieurs dérivées. Parmi elles, des stratégies comme l’attaque sandwich, qui consiste à insérer des transactions avant et après une opération ciblée pour manipuler les prix à son avantage.
Sur Solana, par exemple, la Fondation a dû bannir des validateurs qui utilisaient ces pratiques interdites. Un événement qui a rappelé à tous que la MEV peut devenir une menace pour la sécurité et les utilisateurs.
La MEV, un frein à la scalabilité
Le 16 juin, Robert Miller, fondateur de Flashbots, publie un article intitulé « La MEV et les limites de la scalabilité ». Pour rappel, la scalabilité d’une blockchain désigne sa capacité à traiter un grand nombre de transactions, tout en restant décentralisée et sécurisée.
Dans son article, Miller démontre que la MEV crée des barrières économiques qui annulent les progrès techniques des réseaux.
Les recherches de Flashbots révèlent un phénomène alarmant : les bots MEV consomment désormais plus de 50 % des ressources sur les rollups Ethereum comme Base ou OP Mainnet. Le tout, en payant moins de 10 % des frais. Sur Base, 2 acteurs représentent 80 % du spam, une situation critique.

Et cela ne se cantonne pas à l’écosystème EVM. En effet, sur Solana, ils occupent 40 % de l’espace des blocs.
Cette surconsommation neutralise les gains de scalabilité qui pourraient être réalisées par les blockchains. À titre d’exemple, entre novembre 2024 et février 2025, Base a ajouté l’équivalent de trois réseaux Ethereum en capacité. Pourtant, presque tout a été absorbé par des robots de spam.
Cela est notamment dû au fonctionnement de ces bots. En effet, pour chaque opportunité d’arbitrage réussie, un bot envoie environ 350 transactions qui échouent. Cela gaspille évidemment des ressources et des capacités sur le réseau.
Cette course effrénée crée un « plancher de frais » artificiel. Ainsi, malgré l’augmentation de capacité, les coûts restent élevés pour les utilisateurs ordinaires.
L’origine du problème
Après avoir exposé le problème, Miller cherche à identifier son origine. Selon lui, il y aurait quatre causes structurelles :
- L’expressivité des transactions : Contrairement aux marchés traditionnels, une transaction blockchain peut contenir une logique conditionnelle complexe, permettant aux bots de réagir en temps réel.
- Les mempools privés : Pour protéger les utilisateurs du frontrunning, les réseaux ont rendu leurs mempools privés. Les bots, ne voyant plus les transactions en attente, doivent « deviner » en bombardant le réseau de transactions.
- Des frais trop bas : Le gas peu coûteux sur les rollups incite les bots à tenter leur chance massivement, car le gain d’une seule réussite couvre largement les échecs.
- L’absence d’enchères efficaces : Sans mécanisme pour optimiser l’ordre des transactions, la compétition se fait par la quantité de gas consommé, favorisant le spam.
Par conséquent, la scalabilité technique devient inutile puisque les moindres gains sont immédiatement vampirisés par les bots. Comme le résume Miller : « La MEV est désormais la principale limite à la scalabilité des blockchains ».
Des solutions pour sauver le scaling
Face à ce constat, Flashbots propose deux pistes concrètes.
D’une part, Miller mise sur la « confidentialité programmable ». L’idée est d’autoriser les bots à accéder aux flux de transactions via des environnements d’exécution de confiance (TEE).
« Tout d’abord, nous aborderons la question de l’accès à l’état par le biais de la protection programmable de la vie privée. Un marché efficace doit fournir aux chercheurs un accès en temps réel au flux de transactions, tout en appliquant de manière programmatique des restrictions sur la manière dont ils peuvent utiliser ces informations. »
Il s’agit de « boîtes noires » qui garantissent que les données ne peuvent être ni manipulées ni divulguées. En pratique, cela prend la forme d’une enclave dans le processeur où les données sont traitées, sans jamais prendre le risque qu’elles ne soient exposées.
Cette solution a notamment été testé avec succès sur Ethereum et permet aux bots de faire leurs calculs hors chaîne, sans spammer le réseau.
D’autre part, Miller aborde les « enchères explicites ». En effet, l’un des problèmes actuels réside dans la guerre du gas. Ainsi, plutôt que de se battre via le gas, les bots pourraient participer à des enchères directes pour l’inclusion et l’ordre des transactions. De ce fait, ce marché remplacerait le gaspillage actuel par un système efficace, structuré et prévisible.
« Ces deux éléments, la confidentialité programmable et l’enchère explicite, fonctionnent en tandem pour créer la solution. La confidentialité programmable élimine la nécessité d’écrire dans la chaîne pour lire le dernier état, sans exposer les utilisateurs à la fuite en avant. L’appel d’offres explicite fournit un mécanisme efficace, basé sur le prix, pour capturer la valeur que la visibilité contrôlée révèle. »
Quoi qu’il en soit, il semblerait que l’avenir de la scalabilité ne réside pas tant dans l’augmentation de la blockspace, mais bien par une meilleure utilisation de celle-ci.
Du côté d’Ethereum, la question de la scalabilité reste au cœur des débats. Récemment, Vitalik Buterin a plaidé en faveur de stateless nodes qui pourraient selon lui améliorer la scalabilité du réseau.
