NFT et pollution : le grand enfumage ?
Il est devenu difficile de parler des Non-Fungible Tokens sans que ces actifs cryptographique d’un nouveau genre soient quasi-immédiatement accusés d’être des destructeurs environnementaux. Mais qu’en est-il vraiment ? Les NFTs représentent-ils vraiment une source d’émission de CO2 importante pour la planète ?
NFT = pollution : Comment la controverse a commencé
Tout a commencé lorsqu’en décembre 2020, l’ingénieur Memo Akten publie un article nommé “The Unreasonable Ecological Cost of #CryptoArt”. Cet article a connu de nombreuses mises à jour depuis.
Pourtant, son but était simple : que les utilisateurs de NFT se posent la question de leur empreinte carbone en utilisant une blockchain Proof of Work. Et qu’une discussion constructive puisse en ressortir.
Parallèlement, en février 2021, un artiste français, Joanie Lemercier, va découvrir sa consommation électrique supposée associée à 6 mint de NFTs réalisés sur Nifty Gateway. Face aux chiffres alarmants révélés par l’outil utilisé, il va décider d’annuler ses drops et publier un article dans la foulée.
Mais il va surtout demander à Nifty Gateway un peu plus de transparence face à ces chiffres. Et malheureusement, il va être confronté à un silence assourdissant.
Deux semaines après la vente record de Beeple, le 29 mars, Nifty Gateway annonce être devenu “carbon neutral”. Mais trop tard, la controverse enfle et de plus en plus de monde se pose la question : quel est le réel impact environnemental des NFTs ?
D’où viennent les chiffres ?
Allons à la source des informations. D’où viennent les données utilisées par Memo ?
Le premier outil utilisé est le site cryptoart.wtf, qui permet de calculer en un clic l’empreinte carbone associée à des transactions relatives aux NFTs artistiques. L’outils fonctionne grâce aux estimations de carbon.fyi, qui a développé une méthodologie plus globale, pas seulement sur les NFTs.
L’équipe derrière carbon.fyi est Offsettra, une initiative qui a pour vocation de réinvestir les intérêts du stacking de DAI pour différents projets écologiques.
En avril 2021, Kyle McDonald propose son aide pour affiner la méthodologie d’Offsettra. En effet, la méthodologie utilisée par carbon.fyi n’utilisait qu’une seule source de donnée jusque là : l’estimation haute du Digicomist.
La proposition étant que l’estimation se rapproche de la méthodologie du Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index (CBECI).
Au 8 octobre 2021, voici les derniers chiffres publics des émissions CO2 estimées des principales marketplace NFT :
En partant de la date de création d’Opensea en décembre 2017 jusqu’au 8 octobre 2021, les marketplaces NFTs ont donc cumulé 11,095,321 transactions. Selon Etherscan.io, il y a eu par ailleurs 1,220,905,471 transactions sur le réseau Ethereum sur la même période.
Les NFTs artistiques représentent donc 0.9% du volume de transactions sur le réseau Ethereum depuis fin 2017.
Toujours selon Etherscan, les frais totaux dépensés sur cette même période sont de 80,384,434,081,623 gwei.
Selon Memo Akten, avec 1,920,251,223,094 gwei, les NFTs artistiques représentent 2.33% du volume total.
Encore une fois, ici l’estimation de Memo est particulièrement haute compte tenu du peu de volume de vente d’art sur Opensea.
Au vu des chiffres, le problème ne semble donc pas venir des NFTs mais plutôt du consensus utilisé par Ethereum actuellement : la Proof of Work.
Une question politique avant tout
Ce constat fait soudainement basculer la discussion autour des NFTs dans une toute autre dimension. Une dimension politique. D’un côté une consommation énergétique estimée inutile, de l’autre un paramètre fondamental pour la sécurité et la décentralisation du réseau : le fonctionnement en Preuve de Travail.
D’un côté les voix qui portent l’urgence climatique, de l’autre celles qui portent l’urgence d’un changement de paradigme financier.
Mais face à l’urgence climatique, se contenter de répéter qu’ETH2 arrive bientôt n’est plus très convaincant.
Pourtant, en 2020, le rapport de Cambridge était encourageant quant à la voie que prenaient les mineurs Ethereum dans leur choix de mix énergétiques dans les différentes régions du globe.
On le sait, la Chine, qui était la principale consommatrice de charbon pour le minage, a durci sa réglementation cette année vis-à-vis du minage de cryptomonnaie. Son empreinte carbone liée au minage a logiquement dû baisser depuis.
Mais la colère provoquée par les NFTs n’a pas baissé cette année, bien au contraire. Il faut dire qu’en regardant l’évolution de l’écosystème sur le troisième trimestre 2021, les chiffres ont de quoi énerver les détracteurs de l’art numérique 2.0.
La raison principale de cette colère vient d’une étude de la World Inequality Lab parue en octobre 2021. Cette dernière souligne que les riches polluent beaucoup plus que le reste de la population. Même si ces derniers sont davantage éco-responsables.
En suivant cette logique, plus les NFTs sont utilisés, plus ils prennent une part de responsabilité dans l’émission des gaz à effet de serre. Plus ses utilisateurs s’enrichissent, plus ils ont de chance d’être intégrés dans la case des “1% les plus pollueurs”.
Un message pour l’avenir
Jusque-là, les messages adressés à “la communauté NFT” ont été très virulents. Maintenant que le message a été entendu, des réponses se dessinent mais manquent d’homogénéité pour être claire.
Tandis que certains vont prôner des blockchains ou sidechains alternatives, d’autres vont préférer investir dans du crédit carbone (Offsetting). Ces solutions ont été proposées en réponse aux différentes problématiques posées, mais n’ont pas réellement fait l’objet de discussion ou consensus au sein de la communauté NFT…
Le secteur crypto et celui de la lutte environnementale partagent tout de même un point en commun : celui de la responsabilisation individuelle.
Comme souvent, au-delà des clichés se cachent des constats plus contrastés que le simple axiome NFT = pollution. Ainsi, plus que la dénonciation sans nuance de telle ou telle pratique de l’industrie, une grand part de la solution pourrait surtout impliquer une prise de conscience globale, autant que que la mise en place d’habitudes vertueuses et de bonnes pratiques à l’échelle individuelle.