Tezos : la cryptomonnaie à 400 millions de dollars victime d’un conflit juridique

Tezos est un token qui vise à mettre en place des smarts contracts sur sa propre Blockchain. Encore en projet, l’équipe a pu réunir lors de son ICO la somme de 232 millions de dollars en bitcoin et en Ethereum. La valeur actuelle est estimée à plus de 400 millions de dollars. Les deux fondateurs – Arthur et Kathleen Breitman – sont entrés en conflit avec le dirigeant de la fondation – Johann Gevers – qui est en charge de récolter les fonds déjà versés. Dimanche, un avocat des Breitman a envoyé une lettre de 46 pages aux deux autres membres du conseil d’administration de la fondation, demandant le retrait immédiat de Gevers. La cryptomonnaie (XTZ/BTC) a perdu hier près de 40% de sa valeur en 3h.

Tezos : un projet démesuré dès ses origines

Reuters a examiné une copie d’un « Tezos Business Plan » datant de début 2015, qui inscrit Breitman comme étant le dirigeant. Le plan prévoyait que si l’entreprise survivait 15 ans, elle aurait une valeur comprise entre 2 et 20 milliards de dollars. Le budget prévoyait le versement à Arthur Breitman d’un salaire de 212 180 $ par an, dès la troisième année. En août 2015, Breitman, qui travaillait encore chez Morgan Stanley, a fondé une société au Delaware appelée Dynamic Ledger Solutions Inc, ou DLS, pour développer Tezos. Il dirige encore aujourd’hui cette société, et c’est cette même société qui détient le code source de Tezos.

En avril 2016, Arthur quitte Morgan Stanley, et en septembre, les Breitman commencent à travailler sur une nouvelle stratégie pour Tezos : organiser une collecte de fonds en ligne pour distribuer des tokens. Mais le couple avait besoin de fonds pour poursuivre le projet. Au cours des six mois suivants, ils ont reçu 612 000 $ de 10 bailleurs de fonds privés.

Tezos : les fonds de l’ICO ont été récolté par une fondation en Suisse

Pour conduire l’ICO, les Breitman ont choisi une structure singulière. Plus tôt cette année, ils ont contribué à la création d’une fondation basée à Zoug, en Suisse surnommée « Crypto Valley » en raison de ses nombreuses startups blockchain – qui cherche à obtenir le statut d’organisme à but non lucratif. L’idée, selon les documents publiés sur le site Web de Tezos, était que la fondation recueillerait des fonds par l’intermédiaire de l’ICO, puis ferait l’acquisition de DLS, la société contrôlée par Breitman qui a développé Tezos.

Georg von Schnurbein, co-auteur d’un livre sur la gouvernance des fondations suisses, s’est dit surpris que des startups dans le secteur des cryptomonnaies, comme Tezos, créent des fondations à but non lucratif en Suisse.

« Pour moi, l’intérêt public n’est pas clair. Bien que ce ne soit pas illégal, la création d’une fondation dans le but de permettre aux inventeurs de tirer profit d’une vente entre en conflit avec son statut d’organisme à but non lucratif. (…) Le fait qu’il y ait une entité à but lucratif et qu’il y ait des transferts dès le début est quelque chose qui fonctionne en ce moment, mais qui ne sera pas viable »

Lorsqu’il s’est terminé après 13 jours, le projet a reçu environ 66 000 bitcoins et 361 000 éthers, d’une valeur d’environ 232 millions de dollars à l’époque. La valeur totale vaut maintenant environ 400 millions de dollars.

Tezos : litige autour du contrôle du projet

Juridiquement, il est possible de faire une distinction en deux points :

  • La fondation Suisse de Tezos détient la totalité des fonds recueillis lors de l’ICO
  • La société du Delaware – contrôlé par les Breitman – détient en grande partie la propriété intellectuelle de Tezos.

Selon un « Memo Transparency » disponible sur le site web de Tezos, le droit de propriété intellectuelle devrait être transmise à la fondation. A ce sujet, M. Gevers a déclaré qu’il était prévu que la société du Delaware devait être vendu à la fondation « dans un délai raisonnable ». Cela pourrait ainsi impliquer que la propriété intellectuelle du projet soit livrée avec la société. Plus tard, les relations se détériorèrent :

« Les Breitman se sont opposés aux personnes que la fondation suggérait d’embaucher » M. Gevers.

Autre point sensible, l’entreprise du couple n’a pas renoncé au contrôle du site web www.tezos.ch.

« Ils contrôlent les domaines, les sites Web et les serveurs de messagerie de la fondation, de sorte que celle-ci n’a aucun contrôle, ni aucune confidentialité dans ses propres communications » M. Gevers

Quant aux centaines de millions de dollars de cryptomonnaies collectées durant l’ICO, M. Gevers a déclaré que la fondation a lentement commencé à vendre les monnaies virtuelles à un rythme d’environ 10.2 millions de dollars par semaine et prévoit d’investir les recettes dans un portefeuille diversifié. Les fonds en cryptomonnaie sont stockés à plusieurs endroits, sur lesquels aucune des parties n’aurait le contrôle.

Tezos : le statut quo condamné par le marché

La situation est pour l’instant est en situation de statut quo. Le courrier adressée l’avocat accuse Gevers de « faire des affaires personnelles, de se promouvoir lui-même et d’être en situation de conflit d’intérêts ». Il cherchait également à donner au couple un « rôle substantiel » dans une nouvelle structure qui limiterait les responsabilités de la fondation.

M. Gever a répondu qu’il ne démissionnerait pas et que les deux membres du conseil d’administration concernés tentaient de faire « un coup d’État illégal ». Il s’est également attaqué au passé d’Arthur Breitman :

« Comme Arthur l’a fait à d’autres avant moi, c’est une tentative d’assassinat de moralité. [Le courrier] n’est qu’une longue liste de déclarations trompeuses et de mensonges. » M. Gever

Les opérateurs du marché n’ont pas attendu un tribunal pour sanctionner le token du projet Tezos. Des ventes massives ont provoqué une chute du cours XTZ/BTC de près de 40%. On note également les importants volumes. Pour rappel, la cryptomonnaie n’est disponible que sur la plateforme HitBTC où elle a le statut de « prévente ».

Chute de Tezos de près de 40% sur HitBTC

Source : BusinessInsider

Lucas E.

Cofondateur & ex-Directeur de publication du média que vous lisez en ce moment même, je refais surface de temps en temps, pour écrire des billets d'analyse financière sur le marché des cryptomonnaies.