Bitcoin et les cryptomonnaies, risqués ? Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France et l’AMF montent au front
USA vs. Europe, deux salles, deux ambiances … Alors que les cryptomonnaies continuent de bousculer les marchés financiers, la France appelle l’Europe à passer à l’action. En effet, dans une tribune parue dans Les Échos, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, et Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l’Autorité des marchés financiers (AMF), lancent un cri d’alarme : il est urgent que l’Europe prenne les rênes de la supervision des cryptos ! Leur proposition ? Confier la surveillance des géants du secteur à l’Autorité Européenne des Marchés Financiers (Esma), afin de garantir une protection plus efficace des investisseurs et de renforcer la sécurité financière. On fait le point.
- La France a exhorté l’Europe à prendre des mesures urgentes pour superviser le marché des cryptomonnaies, en confiant cette tâche à l’Autorité Européenne des Marchés Financiers (Esma).
- L’absence de régulation harmonisée expose les investisseurs européens à des risques importants, alors que près de 90 % des échanges de cryptos sont concentrés sur quelques plateformes mondiales.
Cryptomonnaies : Une concentration des risques dans un marché mondialisé
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près de 90 % des échanges mondiaux de cryptomonnaies sont concentrés sur une dizaine de plateformes. Ces acteurs majeurs opèrent souvent au-delà des frontières, exposant ainsi les investisseurs européens à des risques, parfois, considérables.
En l’absence de régulation harmonisée, la majorité des transactions se fait directement en ligne, sans garde-fous. « Cette absence de protection des investisseurs est inquiétante », soulignent les deux responsables, pointant du doigt le caractère transfrontalier et dérégulé du marché des cryptos.
L’Esma en première ligne pour une régulation européenne
Par ailleurs, pour Marie-Anne Barbat-Layani et François Villeroy de Galhau, la solution est claire : la supervision directe par l’Esma. En confiant cette mission à une autorité européenne, les régulateurs espèrent renforcer la lutte contre les dérives de l’industrie crypto, telles que le blanchiment d’argent et les activités frauduleuses.
On notera également que l’entrée en vigueur du règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), prévu prochainement, introduira un cadre réglementaire commun, en consultation et sous la révision de l’Esma. Mais pour ces experts, ce n’est qu’un début : une surveillance proactive et centralisée reste essentielle pour que les lois européennes soient appliquées de manière stricte et homogène
Au-delà de la simple régulation, c’est une question de souveraineté européenne qui est en jeu. L’AMF et la Banque de France avertissent que les cryptoactifs, s’ils sont mal encadrés, peuvent devenir un terrain fertile pour des activités illicites, comme le blanchiment de capitaux. Ils insistent également sur l’importance de soumettre ces plateformes à des audits externes de cybersécurité pour prévenir les risques de hacking et les failles de sécurité. Un positionnement qui semble aux antipodes de celui du fraîchement élu Donald Trump.
L’effet Trump vs. la précaution européenne face aux cryptomonnaies
Aux États-Unis, la perspective d’une politique favorable aux cryptomonnaies gagne du terrain, en partie grâce à l’influence de figures politiques comme Donald Trump. Depuis son retour sur la scène politique, l’ancien président, fraichement réélu, a souvent laissé entendre qu’il pourrait favoriser un cadre plus flexible pour les cryptomonnaies, permettant potentiellement aux États-Unis de prendre l’avantage et de devenir le pays Bitcoin. Cette approche américaine se distingue par une volonté d’attirer l’innovation technologique et de dynamiser l’économie via des cadres moins restrictifs.
Pour les investisseurs et entrepreneurs crypto, Trump incarne cette promesse de liberté économique, où la réglementation sert de filet de sécurité sans étouffer l’innovation.
À l’inverse, la position européenne, soutenue par des personnalités comme François Villeroy de Galhau, est davantage axée sur la sécurité et la protection des épargnants. En privilégiant la stabilité financière et la prévention des risques liés aux activités illicites, l’Europe adopte une posture prudente face à une industrie souvent qualifiée de « Far West » financier. L’objectif est de construire une régulation robuste qui pourrait, à terme, dissuader les mauvais acteurs et renforcer la confiance du public dans les cryptoactifs.
Deux visions, un même enjeu
Ces deux approches montrent bien le dilemme de la régulation : alors que les États-Unis misent sur une compétitivité exacerbée, l’Europe prône une intégration responsable des cryptomonnaies dans le cadre financier. Cette divergence de stratégies soulève une question fondamentale : les entreprises et les investisseurs préfèreront-ils la liberté des marchés américains ou la sécurité d’un marché européen hautement régulé ? La question reste ouverte.