Tout comprendre d’Ethereum 3.0 : retour sur la Beam Chain présentée par Justin Drake
Du 12 au 15 novembre a lieu la conférence Devcon 2024 South East Asia, qui se déroule à Bangkok. Il s’agit de l’une des plus importantes conférences internationales au sujet d’Ethereum. Ainsi, à cette occasion, de nombreuses annonces sont faites. Et ce, aussi bien par les core développeurs d’Ethereum que par les différents protocoles qui peuplent son écosystème. Lors de son intervention, Justin Drake, chercheur de la Fondation Ethereum, a introduit « Beam Chain » une nouvelle version de la Beacon Chain qui pourrait être appelée officieusement « Ethereum 3.0 ». Une annonce retentissante qui pourrait changer radicalement le fonctionnement et les capacités d’Ethereum.
État actuel et limitations d’Ethereum
Cela n’est une nouvelle pour personne, Ethereum fait face à d’importants problèmes de scalabilité. En effet, en période de haute activité, le réseau se retrouve rapidement victime de congestion. Cela entraîne inévitablement des hausses importantes de frais.
Face à ces problèmes récurrents, les développeurs d’Ethereum ont décidé d’accélérer la transition au Proof of Stake. Bien que cela n’allait pas apporter d’amélioration directe des performances, cela ouvrait la porte à d’autres optimisations. Cela a aussi favorisé l’essor d’autres solutions telles que les layers-2.
Ainsi, Ethereum repose sur la Beacon Chain, une structure qui, bien qu’ayant permis le passage au Proof of Stake avec The Merge, montre ses limites.
En effet, le modèle actuel est basé sur des epochs. Ce sont comme des « blocs de temps » qui organisent le travail des validateurs.
Chaque epoch est un ensemble de 32 intervalles de temps, qu’on appelle des slots. Dans chaque slot, un validateur est désigné pour proposer un nouveau bloc de transactions. Une fois les 32 slots écoulés, l’epoch se termine, et Ethereum utilise ce bloc de temps pour regrouper et organiser les transactions. Ce mécanisme introduit une complexité qui ralentit la finalité des transactions.
D’autre part, en l’état, la scalabilité d’Ethereum dépend fortement des layers-2 comme les Rollups. Ces derniers permettent de soulager la congestion sur la chaîne principale. Bien que ces solutions aient prouvé leur efficacité, elles créent une fragmentation de l’écosystème. De plus, elles obligent les utilisateurs et développeurs à jongler entre plusieurs couches de protocoles.
Beam Chain : la nouvelle version de la Beacon Chain
Ainsi, dans son intervention, Justin Drake présente Beam Chain comme une solution pour réduire cette « dette technique » accumulée. Cette refonte pourrait aussi repositionner Ethereum comme un réseau capable de gérer nativement des volumes de transactions élevés sans dépendre de solutions externes telles que les layers-2.
En pratique, cette Beam Chain viendrait résoudre de nombreuses dettes et limitations rencontrées par la Beacon Chain, qui on le rappelle, a été lancée en 2020. Celle-ci fonctionnait initialement en parallèle du réseau, jusqu’à devenir la couche consensus unique d’Ethereum lors de The Merge.
Cette proposition est d’ores et déjà appelée Ethereum 3.0 par la communauté. Et ce, depuis les premières rumeurs qui ont émergé sur les réseaux sociaux suite à une annonce de Justin Drake.
Finalité, SNARKs, post-quantique et staking : Les 4 innovations majeures de Beam Chain
Temps de bloc accéléré et finalité rapide
Dans un premier temps, la proposition Beam Chain vise à réduire le temps de bloc. Celui-ci est actuellement de l’ordre de 12 secondes, et serait réduit à 4 secondes. Une volonté partagée par d’autres développeurs, et qui avait déjà été explorée dans l’EIP-7782.
Concrètement, cela signifie que les transactions seraient confirmées quasi instantanément. Cela améliorerait grandement l’expérience utilisateur.
De plus, la finalité des blocs, c’est-à-dire le moment où une transaction devient irréversible, pourrait être atteinte en seulement trois slots. Au lieu de plusieurs epochs actuellement. De son côté, Vitalik Buterin a récemment exprimé sa volonté de finaliser les blocs à chaque slot, prônant la Single Slot Finality.
Actuellement, il faut attendre plusieurs epochs avant qu’un bloc ne soit définitivement validé, ce qui signifie que les utilisateurs doivent patienter davantage pour être sûrs que leurs transactions sont inscrites de manière permanente dans la blockchain.
Justin Drake envisage également de supprimer les epochs, c’est-à-dire de ne plus regrouper les slots en ensembles de 32 pour organiser la validation. En éliminant ce système de « cycles », Ethereum pourrait se débarrasser de la complexité que cela implique. Sans epochs, chaque slot deviendrait une unité de validation et de finalité en soi, rendant le modèle plus direct et simplifiant le travail des validateurs.
L’intégration native des SNARKs
Beam Chain propose également une « SNARKification » de la chaîne, intégrant de façon native les SNARKs (Succinct Non-interactive Arguments of Knowledge).
Il s’agit de preuves cryptographiques qui permettent de vérifier l’intégrité des blocs, sans avoir besoin de stocker les données de chaque transaction.
Cela permettrait de créer des blocs de taille arbitraire, non limités par les frais de gas traditionnels. Une solution qui viendrait régler une fois pour toutes le débat récurrent concernant l’augmentation de la gas limit.
Cette architecture sans contraintes de gas transformerait Ethereum en un réseau théoriquement capable de gérer un volume de transactions illimité. Et ce, sans avoir besoin de se reposer sur des solutions telles que les layers-2.
Faciliter l’accès au staking
La troisième grande innovation proposée par la vision Beam Chain réside dans la réduction de la barrière à l’entrée pour les validateurs.
En effet, pour opérer un nœud validateur sur Ethereum, il faut actuellement disposer de 32 ETH. Cela limite évidemment l’accès aux utilisateurs moins fortunés.
Justin Drake propose d’abaisser ce seuil à 1 ETH, pour démocratiser l’accès et favoriser la décentralisation.
Ce modèle vise à attirer davantage de validateurs « individuels », élargissant la participation à un plus grand nombre d’acteurs, et réduisant ainsi le risque de centralisation. En effet, en l’état, les petits portefeuilles préfèrent se tourner vers des solutions telles que Lido, qui propose du Liquid Staking.
Toutefois, cela n’est pas sans risques. En effet, Lido dispose actuellement de 27 % des ETH déposés en staking. Un chiffre qui a déjà dépassé les 30 % dans le passé, faisant de Lido un validateur majoritaire sur le réseau.
Préparer Ethereum à l’informatique quantique
Enfin, la sécurité post-quantique est au cœur de la vision Beam Chain. Il s’agit d’une approche essentielle, et déjà largement discutée par les développeurs, dans un contexte où les ordinateurs quantiques représentent une menace potentielle pour de nombreux algorithmes de cryptographie.
Bien que cette menace ne soit pas encore immédiate, la Fondation Ethereum anticipe l’impact futur des technologies quantiques capables de déchiffrer les algorithmes cryptographiques.
Beam Chain : la fin des layers-2 ?
Beam Chain pourrait révolutionner le modèle de scalabilité d’Ethereum en supprimant le besoin de solutions de couche 2 telles que les Rollups. En intégrant nativement une scalabilité théoriquement infinie — grâce à l’utilisation des SNARKs et à l’élimination des limites de gas — Ethereum n’aurait plus besoin de déplacer ses transactions sur d’autres couches pour assurer sa scalabilité.
Ainsi, les SNARKs permettent en effet de valider l’intégrité des blocs via des preuves cryptographiques légères, sans vérifier chaque transaction individuellement. De son côté, la suppression des limites de gas autorise des blocs de taille presque illimitée.
Cependant, cette évolution soulève des questions de centralisation. La possibilité de construire des blocs plus grands et complexes pourrait exclure les validateurs individuels au profit de grands acteurs professionnels, capables de supporter les ressources nécessaires pour maintenir l’intégrité de la blockchain.
Il est ainsi indispensable de trouver un équilibre délicat entre la centralisation des blocs et l’accessibilité au réseau, un point qui pourrait freiner certains acteurs favorables à un modèle ouvert et accessible. D’autant plus, que Vitalik Buterin lui-même a récemment réaffirmé sa volonté de conserver l’ethos de décentralisation et d’ouverture d’Ethereum.
Calendrier de déploiement et défis techniques
Nous sommes désormais habitués avec les annonces relatives à Ethereum, la roadmap de Beam Chain est très ambitieuse.
Ainsi, la Fondation Ethereum prévoit de commencer les spécifications en 2025, c’est-à-dire de définir précisément les exigences techniques et fonctionnelles pour cette nouvelle version de la couche de consensus.
Elle prévoit ensuite d’initier la phase de tests aux alentours de 2027-2028. L’objectif final étant de lancer Beam Chain sur le mainnet d’ici à 2030. Une roadmap ambitieuse, pour les 5 années à venir, mais qui montre que la Fondation reste consciente des enjeux techniques et de sécurité inhérents à une refonte aussi complète de la couche de consensus.
Vous l’aurez compris, Beam Chain pourrait être un tournant majeur pour Ethereum. En attendant, les développeurs continuent d’améliorer la version actuelle du réseau. Ainsi, la première partie du hard fork Pectra (Prague-Electra) devrait être déployé sur le mainnet au début de l’année 2025.