Un chirurgien de l’AP-HP met aux enchères un NFT de radio d’une victime d’attentat
Un NFT à mi-chemin entre l’illégal et l’immoral – Un chirurgien de l’AP-HP a mis en vente sur la plateforme OpenSea le 19 janvier 2022 un NFT de la radio d’une survivante de l’attaque terroriste du Bataclan. NFT sur lequel on notera la présence d’une balle dans un avant-bras. L’enquête de Médiapart qui a mis en lumière le triste procédé démontre une défense bancale du protagoniste.
Des transactions qui parlent
Ce samedi 22 janvier, Mediapart publie un article (édition abonné) dans lequel sont mis en évidence les agissements d’un chirurgien de l’AP-HP.
Publié via un compte OpenSea, initialement au nom même du chirurgien (modifié rapidement en « EHM18 » dans les heures suivant lé révélation des faits), un cliché de radio médicale est proposé pour la somme d’1 ETH, soit près de 2700$ au moment de la mise en ligne.
L’auteur de l’acte présente le NFT sous l’appellation Bataclan terrorist attack – November 13, 2015 – Paris, France l’assortit d’une courte description du dramatique attentat en précisant avoir eu à soigner 5 cas concernés, dont celui-ci.
Confronté aux question du journaliste Matthieu Suc, le « chirurgien-vendeur » alors en déplacement aux Etats-Unis, commence par traiter le sujet avec légèreté, avant d’écarter toute intention de se « faire de l’argent », mettant en avant une volonté « d’intéresser » les gens à la chirurgie, et se plaignant même du fait que la manipulation a eu un coût pour lui.
« Sur OpenSea, on ne peut que mettre en vente ! Je regrette de l’avoir fait. Cette expérience n’est pas concluante, cela ne me satisfait pas. D’un point de vue éthique, je me suis moi-même posé la question… Si vous voulez me faire dire que c’est une erreur, c’est peut-être une erreur. En plus, ça m’a coûté de l’argent, c’est complètement débile ! »
Article de Médiapart, réponse du chirurgien interrogé sur la mise en vente
Bien évidemment, la question de la mise en vente pose problème (au-delà même de la nature sensible, voire choquante, du fichier bien entendu). En effet l’image a été mint (intégrée à la blockchain sous forme de NFT) 5 mois avant d’être proposée aux enchères.
Autrement dit, durant 5 mois la radio polémique n’a existé qu’en tant que NFT sans but lucratif apparent, jusqu’à sa récente date de listing à 1 ETH.
Manque de chance pour le concerné (qui a commencé par nier les faits, avant d’être contraint devant l’évidence d’assumer à la fois la mise en vente, et la paternité du texte explicatif détaillé accompagnant le cliché), la blockchain n’oublie rien.
On remarque d’ailleurs une annulation de la mise en vente peu après la prise de contact de Mediapart, suivie d’un rapide transfert vers une adresse de burn.
En effet, on l’oublie parfois un peu vite, mais il est important de rappeler que chaque action (ou tentative d’action) effectuée sur une blockchain est par nature visible et par conséquent incontestable, de par les caractéristiques propres à cette technologie de registre ouvert et distribué.
Des NFT médicaux en accès libre ? Un problème pris au sérieux par l’administration
Les agissements du professionnel de santé n’ont pas tardé à susciter des réactions fortes, et ce jusqu’au plus haut niveaux de la pyramide administrative. Le directeur général de l’AP-HP Martin Hirsch s’est ainsi exprimé quelques heures après la révélation des faits pour condamner publiquement l’acte et informer d’une procédure en justice.
Les méthodes peu scrupuleuses sont légions concernant les NFT, allant du scam pur et simple aux prétendus hommages, simples prétextes à de la monétisation à outrance. A la manière du merchandising, les NFT sont eux aussi touchés par l’instrumentalisation des événements. Ici le cas est particulier, car manifestement illégal et à très petite échelle. Pour autant, il ne diffère finalement en rien des aberrations qu’ont pu êtres par exemple les mugs « I can’t breath ». Malheureusement les NFT ont déjà mauvaise presse en raison de certains poncifs écologiques et ce type d’épisode vient ternir encore un peu plus l’image de l’industrie.
Seul point positif à retenir de cette affaire, la démonstration par l’exemple qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’effacer des traces compromettantes, précisément grâce à la nature transparente, infalsifiable et auditable des transactions s’opérant sur la blockchain.
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