Bitcoin Cash : un cartel veut 12,5% de la récompense de minage
L’enfer est pavé de bonnes intentions – C’est peut-être bien une boite de Pandore que tentent d’ouvrir certains des principaux acteurs de Bitcoin Cash (BCH). 5 coopératives minières du BCH viennent en effet de décider et d’annoncer qu’elles allaient prélever de façon obligatoire 12,5% des récompenses de chaque bloc qu’elles viendraient à valider. Le but : chercher une solution à la fameuse tragédie des communs, c’est-à-dire – en l’espèce – réussir à ce que les développeurs du projet soient financés.
Période d’essai
De façon bien cavalière, pour ne pas dire carrément autoritaire, certaines des principales coopératives de minage du réseau Bitcoin Cash ont pris une décision qui pourrait affecter fortement l’avenir de ce fork de Bitcoin (BTC).
Jiang Zhuoer, le CEO du pool BTC.TOP, a détaillé cette annonce sur Medium. Afin de contribuer au financement du développement du Bitcoin Cash :
« Nous avons l’intention de rediriger 12,5 % des récompenses [de blocs] de BCH vers un fonds (…) Ce financement durera 6 mois (…) ».
Mais là où l’on peut être surpris, c’est qu’il ne s’agira pas d’une option ! Pour forcer tous les mineurs à payer cette taxe de 12,5%, ce cartel de 5 pools miniers du réseau BCH s’est formé. Ils annoncent ainsi qu’ils vont rendre « orphelins » les blocs de mineurs dissidents, qui tenteraient de ne pas suivre leur plan. Cela signifierait en pratique que ces 5 pools n’intégreraient pas les blocs valides de leurs concurrents dans la version de la blockchain BCH qu’ils mineraient, si ces derniers refusent de coopérer.
Jiang Zhuoer (BTC.Top), Jihan Wu (Antpool, BTC.com), Haipo Yang (ViaBTC) et Roger Ver (Bitcoin.com) supportent tous cette initiative. Leurs mining pools concernées représentent environ 34,5% du hashrate total de BCH.
Le don, c’est dépassé
Prévue pour être mise en place du 15 mai au 15 novembre 2020, cette taxation rappelle furieusement celle de Zcash (ZEC), tout aussi controversée. Les sommes prélevées seraient reversés auprès d’un fonds basé à Hong Kong. Au rythme actuel, il recevrait environ 112,5 BCH par jour selon Messari. Ce qui ferait un total de 20 588 BCH sur les six mois, soit environ 6,2 millions d’euros si cette crypto se maintenait à son cours actuel.
Ce mouvement pour le moins inattendu a provoqué un certain nombre de réactions au sein de la communauté. Inutile de rentrer dans le détail, mais certains auront bien senti que ce genre de manœuvre pouvait faire mauvais genre lorsqu’on se prétend être un protocole sur lequel est censé reposer du cash pair-à-pair permettant des « transactions sans permission requise ».
Le cartel, toujours une forme de compétition
Comme vous le savez, au Journal du Coin, on n’est pas vraiment très fans du Bitcoin Cash.
Mais malgré tout, il nous a semblé intéressant de contacter Amaury Séchet, le développeur principal du client Bitcoin ABC. Comment, à sa place, considère-t-on cet événement qui agite la cryptosphère ? Rappelons que M. Séchet s’était déjà déclaré intéressé par l’hypothèse d’un tel financement. Mais que pense-t-il de la manière de l’amener sur la place publique ?
S’il reconnaît que le « le diable est dans les détails », la proposition d’instituer une contribution à un fonds de financement des développeurs lui semble une « bonne idée ». En effet, le principe-même du cartel pourrait offrir une nouvelle « efficacité« , puisque les membres du cartel restent « en concurrence les uns avec les autres », ce qui le rend « instable« . Soit le cartel est voué à l’échec car il n’emporte pas l’adhésion des autres coopératives, soit il réussit et « cette mesure ne change rien au final », puisque « si tous les mineurs veulent faire quelque chose, ils peuvent déjà le faire aujourd’hui ».
En somme, si certains se sont alarmés d’un risque de nouvelle scission du réseau, il ne s’agirait que d’un nouvel événement naturel dans l’histoire de Bitcoin Cash : si M. Zhuoer refuse désormais de coopérer avec d’autres mineurs qui ne veulent pas « fonder les communs » selon les modalités d’un fonds géré à Hong Kong, « c’est son droit, et le droit des autres mineurs de l’ignorer« . Au marché de décider ensuite quelle valeur attribuer à ces deux visions du monde inconciliables.
Cette décision unilatérale pose la question d’un potentiel hard fork : verra-t-on prochainement le Bitcoin Cash se scinder à nouveau le 15 mai ? Encore un nouvel épisode animé à venir dans l’histoire du petit cousin un peu lent du Bitcoin.