Encyclopédie du Coin

Comment les investisseurs institutionnels prennent position sur le nouvel or numérique

Il était une fois un homme qui, de col roulé vêtu, soupira dans son bureau, las de ne pouvoir surveiller en temps réel les transactions bancaires de ses concitoyens. C’est alors qu’il se leva de son bureau et se dirigea vers la fenêtre depuis laquelle il scruta l’horizon et se lança dans une profonde introspection… Il faut que je « think outside the box », se disait-il. Puis, au bout de quelques instants, ce fut L’Épiphanie… Son rythme cardiaque commença à s’accélérer, les paumes de ses mains devinrent moites et c’est la gorge nouée qu’il susurra… Hésitant… : « Le Bitcogne, c’est peut-être bie ». Il crut entendre un bruit derrière lui, fit volte-face… « Ouf… C’est bon. Personne ne m’a entendu. » et il retourna à son bureau. Quelques semaines plus tard, l’idée fit son chemin et c’est alors que cet homme décida, galvanisé par sa pensée subversive, de déclarer fièrement au micro d’une grande chaîne d’infos : « Le Bitcogne, c’est bien ! ». Les journalistes n’en revinrent pas d’une telle audace et reprirent tous en chœur les propos de ce monsieur. Toutefois, cet homme n’est pas le seul à avoir changé d’avis au sujet des cryptos et d’autres l’ont précédé bien avant lui. Mais d’où vient un tel changement de comportement ? C’est ce que nous avons essayé de comprendre.

Bitcoin : un truc de geek

Il faut admettre que, lors de sa création en 2009, Bitcoin était l’affaire d’un petit groupe de personnes férues d’informatique et de cryptographie (nommés cypherpunks) et n’aurait probablement pas dépassé les limites de son pré carré sans la crise de 2008 qui a eu des répercussions sur l’ensemble des marchés financiers et le quotidien des individus.

L’invention de Satoshi Nakamoto devait donc nous permettre de nous affranchir d’un système monétaire, bancaire et financier souvent critiqué et remis en question par la population, ce qui ne manqua pas d’alerter les acteurs de ces marchés et des régulateurs.

En effet, quelle idée saugrenue de vouloir se passer d’une autorité légitime et d’un système ayant fait ses preuves (surtout pour certains), pour privilégier un système de paiement construit par des illustres inconnus, dont personne ne connaît les véritables intentions, hormis celles écrites sur un fichier PDF ?

Le Bitcoin, c’est de la m**de…

Or, s’il en est bien une qui ne perçoit ni l’intérêt (hormis spéculatif) ni la valeur de Bitcoin et des cryptomonnaies. Il s’agit de Christine Lagarde.

En 2018, cette dernière avait publié un écrit défavorable au sujet des cryptomonnaies et du Bitcoin (BTC) sur le site officiel du Fonds monétaire international (FMI), dont elle était présidente à cette époque, bien qu’elle ait rejoint Jerome Powell au sujet du faible risque systémique des cryptomonnaies sur l’économie mondiale.

Quelques années plus tard, Christine Lagarde appuiera son point de vue au sujet des cryptomonnaies lors de son passage sur le plateau de l’émission de télévision néerlandaise College Tour où elle affirma que « cela ne vaut rien ».

Christine Lagarde sur le plateau de l'émission « College Tour » où elle parle de Bitcoin et des cryptomonnaies
Christine Lagarde sur le plateau de l’émission « College Tour »

Néanmoins, nous pouvons nuancer ces propos si l’on se réfère aux revenus générés par différentes blockchains et protocoles décentralisés.

Les dApps et blockchains ont généré beaucoup de revenus depuis leur lancement
Top des dApps et blockchains basés sur leurs revenus depuis leur lancement
Les dApps et blockchains ont généré beaucoup de revenus par mois depuis leur lancement
Top 10 des dApps et blockchains basés sur leurs revenus par mois depuis leur lancement

Des institutionnels trop habitués au marché traditionnel ?

Cependant, nous pouvons facilement comprendre les raisons pour lesquelles des investisseurs de la finance traditionnelle ont commencé par critiquer ces actifs numériques, dont le principal représentant est le Bitcoin (BTC).

En effet, si vous avez déjà investi dans la bourse, notamment le S&P 500 ou le NASDAQ, vous avez probablement commencé par vous intéresser aux revenus de l’entreprise ou encore les bénéfices qu’elle engendre, puisque c’est en partant de ces informations que l’on peut se faire (en partie) une idée de la santé financière d’une entreprise.

Cependant, ces notions ne sont pas toujours vraies dans la mesure où des entreprises, comme Tesla (hype mise à part), ont souvent été critiquées, car leur valorisation ne reflétait ni la capacité de l’entreprise à livrer des véhicules ni sa profitabilité si nous la comparons à d’autres entreprises du secteur, comme General Motors.

Partant de ce constat, nous pouvons comprendre que des personnes, comme Warren Buffet, ou son bras droit, Charlie Munger, ont critiqué ouvertement Bitcoin et les cryptomonnaies de manière plus générale. Néanmoins, Warren Buffet a toujours affirmé ne pas investir dans quelque chose qu’il ne comprend pas, ce qui explique pourquoi il a en partie raté le virage internet et des nouvelles technologies, et ratera probablement celle des cryptomonnaies.

Toutefois, nous pouvons remarquer un début de changement d’option de sa part, puisque ce dernier s’est exposé au Bitcoin et aux cryptomonnaies de manière indirecte en investissant dans l’entreprise NuBank.

En dépit de ces critiques des dinosaures de la finance, nous pouvons tout de même constater que nos cousins situés de l’autre côté de l’Atlantique ont fini par percevoir l’intérêt de la blockchain et notamment Bitcoin… au point que des acteurs de la finance traditionnelle commencent à se positionner sur Bitcoin.

Les institutionnels « in for the tech » : vraiment ?

Les grandes société d'investissement semblent avoir compris le potentiel économique de la blockchain.

L’un des premiers éléments qui ont probablement poussé les acteurs de la finance traditionnelle et du secteur bancaire à prendre position sur bitcoin ou d’autres cryptomonnaies est notamment dû au fait l’efficacité de la blockchain.

En effet, si l’on se réfère à une analyse de l’université de Harvard, nous pouvons remarquer que les secteurs nommés précédemment ont perçu les cas d’usages de la blockchain :

La taille du marché blockchain d'ici 15 ans sera énorme
Graphique qui estime la taille du marché blockchain d’ici 15 ans

En effet, l’approche des régulateurs américains semble laisser plus de marge de manœuvre aux entrepreneurs et, par extension, à l’industrie blockchain.

Jerome Powell s'exprime sur les MNBC monnaies numériques de banque centrale et les stablecoins

Si l’on se reporte à une déclaration de Jerome Powell datant de novembre 2017, ce dernier semblait avoir déjà perçu l’importance de la blockchain et son apport positif à l’économie :

« [Les blockchains] peuvent avoir des applications importantes dans le secteur des paiements de gros de l’économie. »

Par conséquent, il semblerait que cette approche ait permis à l’industrie blockchain de se développer et de gagner en maturité. Cela a eu pour effet de rassurer certains acteurs de la finance traditionnelle et du secteur bancaire.

Cependant, ne soyons pas naïfs. Si les sociétés de banque et d’investissement s’intéressent au domaine de la blockchain, ce n’est pas simplement pour les avantages de rapidité et de sécurité de cette technologie.

Ces dernières ont également compris que la blockchain leur permettrait d’élargir leurs offres financières, de créer de nouveaux centres de profits et fournir de nouveaux services, tels qu’un service de garde de cryptomonnaies à leurs clients. Cela pourrait également leur permettre d’atteindre de nouveaux clients.

Si l’on se réfère au site officiel de l’Université de Harvard, le comité de Bâle sur le contrôle bancaire aurait publié un document en 2021/2022 permettant d’encadrer « l’exposition des banques aux crypto-actifs ». Ce qu’il faut comprendre par « exposition », c’est « détenir et posséder des cryptomonnaies ».

Des banques déjà bien aux faits de la blockchain ?

En 2020 et 2021, l’OCC (Office of the Comptroller of the Currency), qui est un organisme rattaché au département du Trésor des Etats-Unis, a : 

« (…) confirmé son soutien à l’expansion des services bancaires liés aux crypto-actifs et aux pièces stables en publiant des directives permettant aux banques nationales et aux associations fédérales d’épargne de fournir des services de garde pour les crypto-actifs, y compris la conservation des clés cryptographiques. »

Extrait d’une lettre de l’OCC

Cela peut nous pousser à nous demander si l’agitation de la SEC (Securities and Exchange Commission) ne serait pas un moyen d’attirer ailleurs l’attention des retails et de certaines entreprises privées encore frileuses à l’idée de s’exposer aux cryptos, le temps qu’un cadre législatif soit posé.

Toutefois, certaines sociétés privées n’ont pas attendu pour prendre le train de la crypto en marche, puisque BlackRock s’est associé à Circle et propose un ETF Bitcoin nommé iShares, qui permet aux investisseurs européens de s’exposer au BTC.

La Silicon Valley déjà « In Crypto » ?

Bill Gates prédit la mort de Bitcoin et traite des investisseurs en cryptomonnaies de fous

Malgré le fait que Bill Gates se soit exprimé en défaveur de Bitcoin, qu’il considère destinée aux imbéciles et affirme ne pas posséder de bitcoins ou d’autres cryptomonnaies, il semblerait que le CEO de son concurrent de toujours, Apple, ait eu le nez creux à propos du Bitcoin. En effet, Tim Cook a confirmé posséder des cryptomonnaies, lorsqu’il a été interrogé sur ce sujet lors d’une conférence du New York Times, en ces termes :

« Je pense qu’il est raisonnable d’en posséder dans le cadre d’un portefeuille diversifié. »

Toutefois, Tim Cook n’est pas le seul chef d’entreprise à posséder de la crypto, puisque Elon Musk a confirmé posséder du BTC, de l’ETH et du DOGE. De plus, ce dernier avait fait l’acquisition d’1,5 milliard de dollars de bitcoins en 2021 par l’intermédiaire de son entreprise Tesla et envisageait de proposer le Bitcoin comme moyen de paiement pour ses véhicules avant de se rétracter.

En effet, ce dernier s’était rétracté à cause du contexte sociopolitique défavorable lié aux questions de l’environnement. Cela peut paraître cocasse dans la mesure où ce dernier propose d’acheter certains articles proposés par son entreprise The Boring Company avec du Dogecoin.

Or, le Dogecoin est actuellement la seconde plus grosse blockchain de type proof of work depuis le passage d’Ethereum au proof of stake. De plus, Twitter pourrait bel et bien devenir l’une des plateformes mainstream à l’avant-garde de la cryptomonnaie depuis son rachat par Elon Musk.

Nous pourrions continuer longtemps, si nous élargissons le spectre de Bitcoin et des cryptomonnaies aux NFT, puisque de plus en plus d’entreprises se sont engouffrées dans la brèche, comme Instagram, Reddit et Twitter que nous venons d’évoquer.

Au travers de ces différents exemples, nous pouvons constater que les institutionnels sont déjà montés dans le train des cryptomonnaies tracté par la locomotive Bitcoin. Toutefois, ce ne sont pas les seuls et il y a fort à parier que des Etats, même européens, finiront par retourner leur veste sur ces sujets. Effectivement, nous avons commencé par une introduction volontairement provocatrice, mais nous devons tout de même prendre en compte le fait que le temps des entreprises privées n’est pas celui des Etats et des gouvernements, puisque ces derniers ne sont pas soumis aux mêmes contraintes législatives et juridiques. Cependant, certains pays européens semblent avoir pris la mesure des enjeux économiques et politiques de cette technologie qui ont fait voler en éclat l’image anarchiste de Bitcoin et des cryptomonnaies.

Chapitre 1 : Bitcoin - Partie l

Progression du chapitre

75%

Recevez un condensé d'information chaque jour