Pour qu’un bien assume un rôle monétaire, il doit être coûteux à produire, sinon la tentation de faire de la monnaie peu chère détruira le patrimoine des épargnants et détruira la motivation de quiconque à épargner dans ce médium.
Saifedean Ammous – L’étalon Bitcoin
En ces quelques mots, Saifedean Ammous résume l’épineux problème auquel l’ensemble des dirigeants de la planète sont confrontés en matière de politique monétaire. Problème que nous allons développer ci-dessous et auquel Bitcoin entend répondre de par sa nature si particulière.
Sommaire :
- C’est quoi une monnaie « FIAT » ?
- L’abandon de l’étalon-or et la création de la monnaie « facile »
- Quelle conséquences néfastes entraine l’utilisation d’une monnaie « facile » ?
- C’est quoi une monnaie « dure » ?
- Pourquoi une monnaie « dure » est-elle importante ?
- FIAT et BTC peuvent ils coexister ?
C’est quoi une monnaie « FIAT » ?
Les monnaie « FIAT » (fiat signifiant en latin « autorisation » ou « décret ») sont les monnaies étatiques. Pour le dire simplement, ces monnaies sont celles avec lesquelles les Etats demandent à leurs citoyens de payer leurs impôts. Une monnaie FIAT est donc une monnaie qui a cours légal dans un état qui, le plus souvent, émet lui-même cette même monnaie.
Historiquement parlant, les monnaies fiat n’ont pas toujours été opposées aux monnaies dures car la monnaie étatique a été pendant longtemps, au moins en partie, adossée, mais également convertible en or.
Cela signifiait qu’un citoyen pouvait se rendre à la banque pour demander à convertir ses espèces en or et que les banques centrales ne pouvaient pas, en principe, émettre beaucoup plus de monnaie que la valeur de leurs réserves en or. C’était ce que l’on appelait « l’étalon or ». A cette époque, monnaies FIAT et monnaies dures n’étaient pas en opposition aussi systématique qu’aujourd’hui.
Ce mécanisme permettait d’instaurer une grande confiance dans la monnaie, dont la valeur était tangible car adossée à un actif rare et précieux. Même s’il est vite devenu partiel, l’étalon-or agissait comme un garde fou vis à vis de la création monétaire et l’empêchait de devenir totalement irresponsable.
L’application de cet « étalon-or » offrait aux citoyens de ces Etats l’assurance qu’ils pouvaient bénéficier de la praticité qu’offre une monnaie papier dans la vie de tous les jours (il est plus simple de sortir avec quelques billets en poche qu’avec ses lingots d’or), mais que la valeur de cette monnaie était assurée, en plus ou moindre grande partie, par les réserves de métaux précieux que les Etats s’étaient constitués.
Dans ces situations, il était très difficile pour les Etats d’augmenter immodérément la masse monétaire sans engendrer une forte dégradation de la confiance des citoyens envers la monnaie émise par l’Etat.
L’abandon de l’étalon-or et la création de la monnaie « facile »
Avec la disparition de l’étalon-or en 1971 suite à la décision prise par le Président américain Nixon de mettre un terme à la convertibilité du Dollar en Or, les Etats se sont retrouvés dans une situation beaucoup plus « facile » quant à la gestion des monnaies.
Rien n’empêchait plus en effet d’imprimer de nouveaux billets au-delà des réserves étatiques.
Il faut bien comprendre que, d’un point de vue politique, il est plus aisé de régler les difficultés économiques à court terme en imprimant de l’argent magique, tout en omettant d’informer les citoyens sur les conséquences inflationnistes qui résultent de l’augmentation de la masse monétaire, plutôt que de leur demander de se serrer la ceinture face à l’inévitable récession qui résulterait d’une contraction de la masse monétaire.
La crise du Covid avec la politique du « quoi qu’il en coûte » en a été un exemple frappant. Et nous avons assisté durant cette période à la plus grande création monétaire de l’histoire. En Europe comme aux Etats-Unis.
Le graphique ci-dessous, disponible sur le site internet de la BCE atteste de l’augmentation considérable de la base monétaire (c’est à dire la monnaie créée par la banque centrale) de la Zone Euro depuis le début des années 2000. L’énorme impression monétaire des dernières années (2020-2022) est aisément identifiable.

Cette évolution extrêmement importante de la masse monétaire explique les raisons pour lesquelles les monnaies « FIAT» sont maintenant considérées par bons nombres d’économistes de l’école Autrichienne et de Bitcoiners comme constituant de la monnaie « facile ». Monnaies face à laquelle le Bitcoin, par son caractère intrinsèquement « dur » constitue un pied de nez numérique tout à fait unique.
Quelles conséquences néfastes entraine l’utilisation de monnaie facile ?
Dans une ère d’utilisation d’une monnaie facile, il est aisé de maintenir les éléments les moins productifs sous assistance (aides et subventions diverses) car la monnaie n’a pas beaucoup de valeur et qu’elle est facile à produire.
Mais avec l’utilisation d’une monnaie dure, l’utilisation de la monnaie est limitée et des choix doivent être faits. Ce qui va logiquement impliquer que seuls les acteurs les plus performants pourront être payés ou récompensés pour leur contribution.
Lorsque vous vous apprêtez à vous séparer d’un bien de valeur, vous avez à cœur que la personne qui le reçoit s’en montre digne, alors que cette réflexion vous importera peu si vous vous débarrasser de babioles futiles. Le même raisonnement peut être également appliqué à la monnaie.
C’est quoi une monnaie « dure » ?
Une monnaie « dure » est une monnaie qui, non seulement est rare (argent, or, bitcoins) mais qui s’avère également difficile à produire.
Comme nous l’avons vu plus haut, une monnaie facile à produire sera nécessairement produite en grande quantité afin de résoudre des problèmes à court terme tout en contribuant à la dévaluation de cette même monnaie sur le long terme.
La difficulté de production des monnaies “dures” est mathématiquement représentée par le modèle « stock to flow » qui vise à estimer la rareté d’un bien rare en divisant le stock existant par la quantité de la production annuelle de ce même bien. Comme la quantité finale de Bitcoins (21 millions) est connue à l’avance, tout comme le rythme de la production annuelle, ce ratio s’applique naturellement à Bitcoin.
Le caractère « dur » d’une monnaie n’implique pas que celle-ci perdurera indéfiniment. L’histoire regorge de monnaies dures qui se sont lentement écroulées du fait de l’augmentation de leur production, facilitée par les évolutions industrielles et technologiques.
Et Bitcoin ne fait pas exception à ce risque, d’aucuns considèrent que l’avènement de l’informatique quantique constitue une menace pour le protocole car cette révolution technologique rendrait obsolète la principale protection dont bénéficie actuellement Bitcoin via le mécanisme de la preuve de travail pour valider et confirmer les transactions effectuées sur le réseau. Ce risque doit être étudié avec précaution en ce qu’il est identifié par la communauté qui travaille déjà à des améliorations de sécurité visant à résister à des attaques quantiques.
Pour conclure sur cette première partie, il faut simplement retenir que Bitcoin est l’actif le plus rare au monde à l’heure actuelle et qu’il continuera vraisemblablement de l’être, à l’inverse des monnaies étatiques dont le stock ne cesse d’augmenter, et la valeur de diminuer.
Pourquoi une monnaie dure est-elle importante ?
Qu’elle soit physique ou numérique, l’utilisation d’une monnaie « dure» à grande échelle est un modèle anti-inflationniste éprouvé qui permet à l’ensemble du système économique d’un état, ou d’une société, de toujours rechercher la valorisation et l’apport de valeur plutôt que le laxisme et la facilité.
Et ce, contrairement à la base et la masse monétaire des monnaies Fiat peuvent être augmentées drastiquement, à moindre coût et sans accord ou concertation préalable de la population, qui sera pourtant la première à subir les conséquences de cette décision (dévaluation de la monnaie et, donc, inflation).
Cet autre graphique, toujours issu de la BCE, représente l’évolution de la masse monétaire totale de la zone euro, l’échelle est toujours en millions d’Euro.

C’est la raison pour laquelle Bitcoin est souvent présenté comme constituant une réserve de valeur. Au sens qu’il offre, malgré son importante volatilité, une proposition monétaire opposée à celle des monnaies faciles (émission contrôlée dans le temps, masse monétaire finale définie à l’avance).
L’invention de Bitcoin est une véritable révolution en ce qu’il permet à chacun, partout dans le monde, de bénéficier des avantages monétaires qu’offre une monnaie dure ainsi que de la facilité de stockage et d’utilisation dans l’espace qui, jusque là, étaient des caractéristiques propres aux monnaies FIAT.
En outre :
- Sa production est fixée d’avance selon un modèle non-inflationniste ;
- Son caractère numérique rend aisé son transfert dans le monde entier ;
- Facilement stockable dans un portefeuille numérique (hot ou cold wallet).
- Insaisissable
- Infalsifiable
Fiat et BTC peuvent-ils coexister ?
Oui. C’est la voie qu’a choisi de suivre le Salvador en déclarant le Bitcoin monnaie légale, au même titre que le Dollar américain.
Ce petit pays d’Amérique centrale ne connaissait que le Dollar comme monnaie légale depuis que celui-ci a remplacé le colon salvadorien en 2001. L’utilisation d’une monnaie étrangère comme monnaie légale implique une perte de souveraineté importante, puisque le pays ne contrôle plus sa politique monétaire.
Depuis le 7 septembre 2021, le Salvador reconnait le Bitcoin comme deuxième monnaie légale, au même titre que le Dollar. Ce qui implique que le Bitcoin doit être accepté par l’ensemble des acteurs financiers et des commerçants du pays, et qu’il peut être librement utilisé par les salvadoriens.
Cette décision restitue au pays une partie de sa souveraineté monétaire, et offre à ses citoyens une plus grande liberté quant aux modes de conservation et d’utilisation de leur patrimoine monétaire.