Perdus dans la folie des bulles financières, les grands théoriciens : qui était Irving Fisher ?

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Les grands textes ne meurent pas – Irving Fisher est l’un des économistes étasuniens les plus éminents aux cotés de Milton Friedman. Son travail a inspiré l’école monétariste de la pensée macroéconomique. Malheureusement, sa réputation a été irrémédiablement ternie lorsqu’il a déclaré que la bourse avait atteint un “haut plateau permanent”, peu avant l’effondrement des cours en 1929.

Irving Fisher, un personnage

Fisher a fait ses études à l’université de Yale et a obtenu le premier doctorat d’économie délivré par la prestigieuse université étasunienne. Il est resté à Yale pour enseigner les mathématiques (1892-1895), puis l’économie (1895-1935). Durant sa licence, Irving Fisher a été un touche-à-tout et a étudié les sciences, la philosophie et la poésie, avant de jeter son dévolu sur l’économie.

Dans “The Purchasing Power of Money” (1911), il a développé le concept moderne de la relation entre les changements de la masse monétaire, et les changements du niveau général des prix. De 1912 à 1935, Fisher a produit un total de 331 publications. Il a également prouvé qu’il était un homme d’affaires compétent, faisant fortune en 1910 en commercialisant un système de fichiers à fiches qu’il avait conçu. De plus, en 1926, il a été l’un des fondateurs de Remington Rand, Inc. et a siégé à son conseil d’administration jusqu’à sa mort.

Fisher s’est également opposé à l’impôt sur le revenu conventionnel et s’est prononcé en faveur d’une taxe sur la consommation. Selon lui, l’impôt sur le revenu impose les investisseurs individuels deux fois : une première fois lorsqu’ils gagnent de l’argent et une autre fois lorsque leurs économies génèrent des revenus imposables. Pour l’économiste étasunien, l’impôt sur le revenu serait biaisé contre l’épargne et en faveur de la consommation.

Ce constat est malheureusement toujours d’actualité. Lorsque vous percevez votre salaire, vous êtes imposé sur vos revenus. Puis, lorsque que vous achetez, puis revendez du Bitcoin, vous êtes une nouvelle fois imposé sur le fruit de votre épargne.

L’œuvre économique

Si Irving Fisher est entré dans l’histoire de la finance, ce n’est pas seulement pour ses piètres conseils à la veille du Krash de 1929. Fisher a étudié de nombreux aspects de l’économie, mais s’est concentré sur deux thèmes majeurs. La théorisation de la relation entre capital et intérêts, et la théorie quantitative de la monnaie, aussi connue sont le nom de doctrine monétariste.

Intérêts et capital

Fisher a énormément contribué à la conception moderne du capital et des intérêts à travers plusieurs ouvrages qu’il résumera dans “The Theory of Interest” (1930). Selon l’économiste, les intérêts matérialisent “la préférence d’une population pour un dollar de revenu présent par rapport à un dollar de revenu futur”. L’on reconnaîtra ici les fondations de la notion de temporalité du choix d’investissement, parfois appelée la préférence temporelle. Cette affirmation est toujours au cœur des modèles financiers et sera reprise par tous les grands économistes, de Keynes à Friedman.

Enfin, Fisher définit le capital comme tout actif qui produit un flux de revenus au fil du temps. Un flux de revenu est distinct du capital qui l’a généré, bien que les deux soient liés par le taux d’intérêt. Plus précisément, Fisher écrit que la valeur du capital est la valeur actuelle du flux de revenus que l’actif génère. Cette analyse vaut encore de nos jours. La valeur actuelle des flux d’un actif est au cœur du principal modèle de valorisation des actions la méthode des Discounted Cash-Flow. Cette méthode se base à la fois sur le concept de préférence temporelle de Fisher et sur son analyse de la valeur du capital par rapport aux revenus qu’il génère.

Monétarisme

La théorie quantitative de la monnaie

La théorie quantitative de la monnaie est l’une des plus anciennes théories économiques. Elle affirme qu’une augmentation de la quantité de monnaie cause un accroissent proportionnel des prix. Formulée d’une autre manière, cette théorie présuppose que la valeur de la monnaie varie en proportion inverse de sa quantité. Cette théorie tente d’expliquer le phénomène de l’inflation et son impact sur les prix des biens. Plus un État émet de monnaie, moins celle-ci aura de valeur, ce qui cause une augmentation des prix.

Bien qu’elle soit ancienne, cette théorie ne sera exprimée mathématiquement qu’avec la parution de The Purchasing Power of Money” en 1911, un ouvrage dans lequel Irving Fisher matérialise la théorie quantitative de la monnaie à travers une équation possédant 4 variables.

L’équation de l’échange

L’équation de l’échange est une représentation mathématique du total des transactions effectuées au cours d’une période au sein d’une communauté donnée. Lors de chaque vente et achat, la monnaie et les biens échangés sont équivalents ; la somme payée pour du sucre est équivalente au sucre acheté. Et le total des échanges sur une année est égal à la valeur totale des biens achetés. L’équation comprend donc la monnaie d’un côté et les biens de l’autre.

Dans son ouvrage “The Purchasing Power of Money, il formule l’équation de l’échange de la manière suivante :

Équation de l’échange par Irving Fisher (1911)

On y retrouve alors :

  • M, qui représente la quantité de monnaie en circulation au cours de la période étudiée, aussi appelée la masse monétaire,
  • V, qui représente la vitesse de circulation de la monnaie, aussi appelée vélocité de la monnaie,
  • p, qui représente le prix moyen des biens,
  • Q, qui représente la quantité de biens achetés sur la période étudiée.

Dans la formulation initiale, pQ est donc la somme des prix moyens des biens multipliée par la quantité de biens échangés, avec pQ représentant un premier bien, p’Q’ un second, et ainsi de suite.

Le monétarisme appliqué aux actifs numériques

L’équation de l’échange a été adaptée aux crypto-actifs pour la première fois en 2017 par Chris Burnsike dans le cadre de son modèle d’évaluation des actifs numériques, qui sera repris et amélioré par la suite. L’égalité MV = PQ appliquée à une économie tokenisée peut être décomposée comme suit :

  • M = le total des actifs, la capitalisation totale de l’actif,
  • V = la vélocité de l’actif, le nombre de fois où un actif donné change de mains au cours d’une période,
  • P = le prix de la ressource mise à disposition par le réseau,
  • Q = la quantité de ressources mises à disposition.

L’adaptation de cette équation permet d’évaluer un actif en résolvant l’égalité M = PQ/V, où M représente la base monétaire nécessaire pour faire fonctionner une économie tokenisée de taille PQ à une vélocité V.

Si nous voulions appliquer cette méthode de valorisation à Bitcoin, il faudrait d’abord déterminer deux variables :

  • le nombre de fois qu’un bitcoin change de main, soit sa vélocité,
  • les cas d’usage de Bitcoin ayant un marché quantifiable.

Par exemple, si nous supposons que 25 % des transferts de fonds internationaux passeront par Bitcoin d’ici 5 ans, cela nous permettrait de donner une valeur à l’actif sur la base d’une économie (PQ) de 125 milliards de dollars.

Ce type de modèle peut-être pertinent dans le cadre d’un investissement, mais est relativement difficile a mettre œuvre de manière cohérente du fait de la subjectivité des variables. Pour aller plus loin sur le sujet, je vous vous recommande les travaux d’Evans et Botashev, qui ont amélioré le modèle initial.

Thomas G.

Financier et juriste, je suis passionné par les cryptomonnaies depuis leur apparition sur le Deepweb. Fervent supporter du Bitcoin, je suis convaincu que les devises numériques joueront un rôle déterminant dans l'avenir de nos sociétés. Je m'intéresse tout particulièrement aux aspects financiers et législatifs des cryptomonnaies.

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