Tether (USDT) fait acte de transparence… mais dissimule l’essentiel

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Pour la première fois depuis le lancement de l’USDT en 2014, Tether a révélé la composition de ses réserves. Ce nouveau rapport de transparence fait partie des efforts de compliance mis en œuvre par Tether à la suite de l’accord conclu avec le procureur général de New York au sujet des soupçons de dissimulation de 800 millions de pertes. Bitfinex et Tether ont payé une amende de 18,5 millions de dollars et ont accepté de fournir des ventilations trimestrielles de leurs réserves dans le cadre du règlement.

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Des réserves suffisantes d’un point de vue comptable, mais foncièrement inquiétantes

La répartition indique que la majeure partie des réserves de Tether est constituée de « Cash & Cash Equivalents ». Cette notion de comptabilité étasunienneles normes US GAAP – recouvre l’ensemble des réserves d’argent et d’instruments financiers considérés comme liquides. Pour être considéré comme liquide, un instrument doit pouvoir être cédé sous un mois à une valeur très proche de sa valeur comptable. Le reste des réserves est composé à 12,55 % de prêts garantis, de 9,96 % d’obligations d’entreprises et de métaux précieux et de 1,64 % d’autres investissements, y compris des actifs numériques.

Le détail des réserves de Tether

En étudiant ces deux diagrammes, deux éléments apparaissent comme potentiellement problématiques. D’une part, sur les 40 milliards d’actifs un peu moins de 160 millions de dollars sont des espèces. Les 3,87 % de Cash sont la seule catégorie d’actif des réserves de Tether dont il est possible de garantir la valeur.

D’autre part, l’immense majorité des actifs de l’émetteur de l’USDT sont des dettes. Dans un contexte de relance économique et d’impression monétaire massive, il est très aisé pour les entreprises d’émettre des dettes, mais à la seconde où les conditions de marché changent, la valeur de ces dettes peut-être divisée par trois. C’est notamment ce phénomène qui a causé la faillite de la banque Lehman Brothers en 2008. La banque détenait une quantité monumentale de dettes sans valeur marchande, c’est à dire des dettes que les débiteurs ne pouvaient absolument pas rembourser.

Des équivalents de trésorerie, qui n’équivalent pas à des réserves

La notion de « Cash & Cash Equivalents » recouvrant de nombreux actifs, elle a aussi été ventilée, et c’est ce graphique qui nous intéresse réellement. Cette partie des réserves est donc composée de 65,39 % de billets de trésorerie, 24,2 % de dépôts fiduciaires, 3,87 % de liquidités, 3,6 % de notes de prise en pension et 2,94 % de bons du Trésor.

Tether déclare ses comptes, un effort de transparence louable, mais qui laisse place à l'inquiètude

Les billets de trésorerie

C’est ici que les choses se compliquent pour Tether. Les billets de trésorerie sont des titres de créance négociable à moyen terme. Fondamentalement, lorsqu’une entreprise a besoin de trésorerie elle peut émettre ces titres qui seront achetés par d’autres entreprises qui recevront des intérêts mensuels pendant un an avant de recevoir le remboursement du capital. Par exemple, une entreprise besoin de 2 millions de dollars pour acheter du matériel de minage, elle émet des billets de trésorerie pour ce montant puis les vend à Tether. Tether va recevoir les intérêts chaque mois et enregistrer 2 millions de dollars dans son compte de « Cash & Cash Equivalents ».

Généralement, ces titres sont achetés par des institutions financières et rassemblés en liasses ayant des notations et des échéances proches avant d’être revendues à des entreprises. Une fois les titres rassemblés en liasses il peut être particulièrement difficile de déterminer la qualité des dettes les constituant. En effet, tous les billets de trésorerie ne sont pas de la même qualité. Si l’entreprise qui a émis le titre connait des difficultés financières, il est hautement probable que la dette ne soit pas intégralement remboursée. La valeur réelle de la dette serait donc largement inférieure à la valeur comptable enregistrée lors de l’achat. Dans notre exemple, il se pourrait que Tether ne récupère qu’un million de dollars au bout d’un an, car les opérations de minage n’ont pas été assez rentables.

Tous les billets de trésorerie ne sont donc pas égaux et Tether n’a pas révélé les émetteurs ni la notation de ces dettes. Il est donc possible que la valeur marchande de ces titres soit sensiblement inférieure à leur valeur comptable.

Les dépôts fiduciaires

La seconde grande masse des « Cash & Cash Equivalents » de Tether est constituée de dépôts fiduciaires. Dans le cadre d’un dépôt fiduciaire, une institution financière, le « fiduciaire », place votre argent dans une deuxième institution financière en votre nom. Cela permet aux investisseurs avertis de placer des fonds dans des banques auxquelles ils n’auraient pas accès autrement en raison de restrictions liées à la citoyenneté ou à la résidence, par exemple pour profiter de taux d’intérêt plus élevés. Ce type de dépôt fait partie des techniques utilisées par les banques pour dissimuler des fonds, notamment lors de l’affaire des Panama Papers.

Nous pouvons supposer que le fait que Tether soit basé aux iles Vierges Britanniques lui ferme les portes de certaines juridictions et institutions. Grâce à ce type de dépôt réalisé pour le compte d’autrui, il est possible de contourner les lois et de dissimuler des actifs douteux.

Vous l’aurez compris, la prétendue transparence de Tether n’est pas de nature à nous rassurer. Cela fait maintenant plusieurs années que Tether joue ce jeu dangereux. L’émetteur de l’USDT tente inlassablement de prouver l’existence de réserves suffisantes sans véritablement ouvrir ses comptes.

Thomas G.

Financier et juriste, je suis passionné par les cryptomonnaies depuis leur apparition sur le Deepweb. Fervent supporter du Bitcoin, je suis convaincu que les devises numériques joueront un rôle déterminant dans l'avenir de nos sociétés. Je m'intéresse tout particulièrement aux aspects financiers et législatifs des cryptomonnaies.

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